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Le Cinéphile Du Samedi

2500e : La Grande Illusion

Publié le 22 Janvier 2015 par lecinephiledusamedi in Drame

Mis en scène par Jean Renoir, à qui l’on doit notamment les illustres Partie de campagne ou French Cancan, La Grande Illusion sort dans nos contrées tricolores été 1937, soit près de deux décennies après le conflit de 14-18, une marge nécessaire et calibrée permettant d’aborder cette sombre période sous un air tout autre. Car le métrage français n’est rien de plus qu’une ode à la fraternité franco-allemande, un appel à la reconstruction qu’il élabore en dédiabolisant la guerre. En effet, sous son étiquette de pellicule dramatique, à la photographie noire et terne, aux maquillages qui empruntent clairement une voie terreuse et sale, Renoir transforme le paysage sombre et lugubre en territoire accueillant et propre, parsemant ici et là quelques indices (les retours à la violence sont rares et relativement suggérés, une certaine censure est appliquée, tandis que les dernières images, dans une neige blanche et claire, renvoient probablement à une issue souriante et heureuse).

Ce feuilleton comico-dramatique, d’une durée avoisinant les deux heures, s’emploie à distinguer les soldats allemands des français, pour au final mieux les rapprocher. Ainsi, les premiers trouvent leur salut dans leur sérieux, ne sourient quasiment pas et optent pour une posture droite et obéissante, travailleurs jusqu’au bout. Les seconds, en revanche, manifestent leur joie et éprouvent des désirs hédonistes en se tournant vers l’alcool, les repas et les femmes (il suffira d’observer le silence et la gêne à l’entrée de l’un des leurs, loufoquement travesti). Tentant d’échapper à leur quotidien, ils organisent batailles de boules de neige et autres parties de flûtes endiablées.

Mais c’est avant tout par sa répartie théâtrale que Renoir dynamise son plaidoyer : entre spectacle travesti magnifiquement orchestré (paradoxe anachronique entre les brillants Certains l’aiment chaud ! de Billy Wilder et Chantons sous la pluie de Gene Kelly) et numéro teinté de magie dans lequel se donne « en spectacle » l’un des protagonistes, faisant de Marguerite son unique raison de vivre.

La perte de la dynamique dramatique n’en sera que plus forte sur sa finalité, puisqu’elle met en lumière une volonté de reconstruction et de recomposition familiale. La lueur d’espoir s’en trouve bonifiée, passant d’une camaraderie à une histoire d’amour entre les peuples. Car malgré les difficultés liées à la culture et aux langues, le message se veut optimiste, l’idylle n’en étant que plus belle puisque dépassant les obstacles pour y puiser sa force. A noter enfin la portée annonciatrice du réalisateur, qui comme il l’anticipe deux ans avant la Seconde Guerre Mondiale, suppose que d’autres conflits majeurs se préparent…

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